Travailler avec des talents créatifs en direct : mode d’emploi (3/3)

Travailler avec des talents créatifs en direct : mode d’emploi (3/3)

Épisode 3/3 : 4 clés pour favoriser le processus créatif 🗝

Un mythe qui a la peau dure, c’est que la créativité appartient aux agences. C’est faux. La créativité appartient aux talents créatifs. Qu’ils soient internes ou externes à l’entreprise, l’enjeu c’est de bien collaborer avec eux, pour produire ensemble le meilleur travail possible. Avec cette série en 3 parties, nous voulons vous partager des idées, outils et techniques simples, issus de nos 10 ans passés en agence et des retours d’expérience de nos 300 freelances créatifs, pour favoriser la créativité dans tous les projets.

Il y a peu de domaines qui prêtent autant au bullshit que celui de la réflexion sur le processus créatif. Il y a d’ailleurs probablement un cercle entier de l’enfer dédié aux auteurs d’articles sur les “habits of creative people”, avec leurs incroyables illustrations cerveau droit/cerveau gauche et leurs odes aux grands génies créatifs, qui sont toujours Steve Jobs.

La réalité est beaucoup plus prosaïque : le processus créatif a été suffisamment étudié pour être compris, décortiqué et donc, pour que l’on sache comment le favoriser. Cet article conclut notre série “Travailler avec des talents créatifs en direct”, et essaye de fournir des bases de réflexion pour donner à vos freelances créatifs (ce qui, rappelons-le, n’est pas seulement le cas des créatifs de publicité) un cadre et un environnement qui favoriseront le meilleur résultat possible. Voici donc 4 clés, issues de notre expérience et de celles de nos freelances, sur ce qui fait le succès créatif d’une mission.

🗝 °1 : Poser les bases

Nous en avons déjà parlé lors de notre article précédent sur le brief : onboarder un profil créatif, c’est trouver le juste équilibre entre donner assez d’information pour lancer le travail, mais pas trop — au risque de brouiller la réflexion. Et si ça vaut pour le contenu de la mission, ça vaut aussi pour son format : donner à un.e freelance un contexte de travail clair (durée de la mission, dates des points d’étapes et de rendu, interlocuteurs, et même logiciels et systèmes utilisés chez vous, si c’est pertinent), dès le début, ce n’est pas un luxe : c’est s’assurer qu’il.elle ait l’esprit clair, et libre pour commencer et gagner un temps fou à ne pas faire d’allers-retours sur des détails.

Pour cela, il y a un outil qu’on aime beaucoup, le Project Point of Departure, issu de la toolbox d’Hyper Island. Outre le fait que le PPOD est très drôle à prononcer en anglais, c’est un outil simple et concret , qui permet de poser le cadre de tout projet, et d’exprimer ses attentes sur la façon de travailler en parallèle d’un brief qui, lui, est plus centré sur le contenu. Le PPOD peut être rempli en amont d’une mission, ou même ensemble avec le freelance lors d’un kick-off. Et comme on est sympa, on l’a adapté pour que vous puissiez l’utiliser dans vos collaborations avec des freelances :

  1. L’objectif: Quel est l’objectif de cette mission, et son rôle dans le cadre du projet ? (en une phrase)
  2. Les cibles: Quelles sont les cibles en externe, mais aussi en interne (qui doit valider, quelles sont ses attentes ?)
  3. Rôles: Qui est impliqué dans le projet, et quelles sont ses responsabilités ? Qui prend les décisions, qui gère l’opérationnel, qui peut donner des conseils et du feedback ?
  4. Points d’étape : De quoi a-t-on besoin, pour quand ?
  5. Le comment : Comment l’équipe va travailler ensemble et avec le.la freelance, comment va-t-elle communiquer, collaborer, prendre des décisions ?
  6. Critères de succès/d’échec: qu’est-ce qui se montrera qu’on a réussi ? qu’on s’est planté ?
  7. Connexions: Est-ce que d’autres projets sont connectés à celui-ci, et vont l’informer/l’influencer ? Est-ce qu’il y a d’autres personnes/sources d’informations à connaître ?

🗝 n°2 : Le temps est bon

Tout profil créatif vous le dira : la créativité prend du temps. Ou plutôt, s’il est possible de faire quelque chose de bien en très peu de temps, il est sûrement possible de faire quelque chose de très bien avec plus de temps, comme l’illustre ce social experiment très mignon.

Ce qui intéressant dans la plupart des missions freelance, c’est qu’il y a deux temporalités : le temps effectivement facturé — passé à travailler — et le temps que prend la mission au total. Par exemple, un.e freelance peut travailler 5 jours effectifs, mais ce temps peut être étalé sur une semaine, comme sur potentiellement deux. Or, ce temps qui n’est pas passé à travailler techniquement, est un temps clé.

S’il y a un livre à lire sur le processus créatif, c’est A technique for producing ideas, par James Webb Young (le lien mène vers le livre, ne faites pas attention aux erreurs sur le titre et le nom de l’auteur). Déjà, parce que c’est un livre de 20 pages, donc pas d’excuse. Ensuite, parce qu’il est écrit par un Directeur de Création en agence, qui explique, clairement et simplement, le processus que suit toute recherche d’idée. Pas de mystère, pas de muses, pas d’inspiration soudaine : juste 5 étapes de tout processus créatif :

  • amasser le plus d’information possible sur le sujet.
  • combiner les différents éléments, créer des liens, des relations, réfléchir en profondeur à ce qui serait possible.
  • ne rien faire, oui, vraiment. Laisser la réflexion en tâche de fond dans son cerveau pendant qu’on fait autre chose. Et là…
  • l’idée vient. Oui, comme ça, encore brute, non travaillée, mais le cerveau a fait une combinaison inattendue d’éléments alors qu’on lui laissait l’espace pour réfléchir.
  • structurer et tester l’idée, qui n’est à ce stade qu’une intuition. La creuser, l’améliorer, et enfin la confronter à la réalité.

L’étape la plus importante est celle qui consiste à ne rien faire, ou plutôt à ne pas travailler. James Webb Young conseille de faire une activité qu’on aime : du sport, de la musique, du dessin, lire un bouquin, jouer à Fortnite (le bouquin datant de 1940, cet exemple est extrapolé). L’idée, c’est que le cerveau continue, sans filtre et sans stress, à avancer en toile de fond pendant ce temps, et permet des idées inattendues.

Vous l’aurez compris requiert du temps, en tout cas du temps passé à ne pas travailler. C’est pourquoi nous recommandons à nos clients de briefer les freelances en amont du début de la mission, et d’étaler, si possible, les missions, pour laisser aux freelances ce temps incompressible de maturation des idées.

🗝 n°3 : Ensemble, c’est tout

Une chanson de Grégoire avec du Comic Sans, la dernière chose qu’il manquait à 2020

Si beaucoup d’entreprises font appel à des freelances pour se décharger, ou externaliser une tâche, ce n’est pas pour autant que travailler avec des freelances ne prend pas de temps.

Le travail avec des freelances est une collaboration. Vous avez la connaissance, de votre marque, de votre entreprise, du projet, et il.elle a l’expertise et la fraîcheur. Le.la freelance apporte un regard extérieur, expert sur un sujet. Mais il n’y a aucune chance qu’il.elle tombe juste du premier coup sans une communication étroite avec son.sa client.e. Contrairement à une idée reçue, échanger, brainstormer avec son partenaire freelance, ce n’est pas “faire une partie du travail à sa place”, c’est avancer le plus loin possible avec lui.elle pour qu’il.elle emmène ensuite le sujet encore plus loin que vous ne l’auriez espéré.

🗝 n°4 : Le droit à l’erreur

Pas besoin de vous faire un point sur l’importance d’accepter l’erreur dans la culture d’entreprise, cette notion — bien qu’essentielle — a déjà gagné sa place sur le podium du bullshit corporate, à grands coups de messages LinkedIn, de “fail fast”, d’articles de blog et de citations tirées du processus créatif de Pixar sur des fonds d’écran de paysages.

Cela dit, au premier degré, c’est une de nos citations préférées.

Un sujet particulièrement intéressant sur le point de l’erreur, c’est la recherche du Pr. Charlan Jeanne Nemeth, professeure de Psychologie à Berkeley. Elle a étudié comment l’erreur, ou l’imprécision amplifie les résultats du processus créatif.

Son expérience la plus intéressante est fondée sur le brainstorming le plus chiant de la planète (et la compétition est sévère) : trouver le plus d’associations d’idées possibles avec la couleur bleue. Deux groupes : un groupe test, avec des participants choisis au hasard, qui se lance joyeusement dans une liste à la Prévert, enfin, à la Prébleu, et un groupe où elle a introduit un élément perturbateur, briefé pour dire volontairement des conneries (comme “l’herbe”, qui n’est pas bleue sauf dans ce roman qui implique la prise de psychotropes). Une mesure : le nombre d’idées produites au final. Et oui : le groupe avec un élément perturbateur est celui qui a produit non seulement le plus d’idées, mais aussi le plus d’idées originales.

Ce qu’on trouve inspirant dans cette idée, c’est qu’elle amène à une question : quand vous choisissez un.e freelance, est-il vraiment nécessaire qu’en plus de ses compétences, il.elle soit déjà expert.e de votre sujet ? Bien sûr, dans certains secteurs, les codes sont très installés et il vaut mieux les connaître (👋 Loi Evin). Mais est-ce que sur cette mission en particulier, vous ne pourriez pas bénéficier de l’apport de quelqu’un qui pourrait vous inspirer par sa connaissance latérale issue d’autres domaines, et éventuellement, poser ces questions “naïves” qui donnent parfois de nouvelles idées ? Chez acracy, une immense majorité de nos freelances, en plus de leur expertise en marketing/digitale, font autre chose à côté. Musiciens, artistes peintres, entrepreneurs, ils ont une ouverture d’esprit qui bénéficie à leur travail, et dont il serait dommage de ne pas profiter.

Et c’est ainsi que nos clôturons cette série en trois volets.
Retrouvez le premier volet, “identifier les bons talents et créer la bonne équipe” et le second, “bien briefer”.
Et dites-nous ce que vous en pensez : weareacracy@gmail.com.